De commencements en recommencements 

(Jürgen Moltmann. Ed. Empreinte.2012 en français).
Partage de quelques souffles au cœur de nos rendez-vous…

Quel moment merveilleusement fécond que la lecture de ce livre au temps de Pâques, en pleine campagne électorale française et sous le choc douloureux d’un nouvel attentat à Paris ! (Avril 2017).
Moltmann partage son expérience personnelle et profonde. Il l’argumente, la fonde sur son accueil de la Parole de Dieu. Dans un langage accessible et clair, avec des jaillissements de lumière sous formes d’expressions très parlantes, mais toujours avec une exigence de rigueur, en bon théologien.
Il nous aide à relire autrement nos aventures humaines – naissance, amour, pertes, peurs, espoirs, séparations, maladies, morts -, à la lumière du souffle de la pédagogie aimante de la Parole de Dieu. Nous sommes invités à nous y abandonner et nous risquer à y mêler les rendez-vous actuels de notre propre existence.

« Les chrétiens sont de perpétuels débutants ». (12)
Acceptons à notre tour de re-débuter. Oui « l’attente chrétienne se focalise sur le commencement, celui de la vraie vie, celui du Royaume de Dieu, de la nouvelle création de toutes choses dans leur forme définitive ». (10)
Nous y abandonner pour y retrouver un « chez-soi », un peu comme le lieu où Dieu habite avec les hommes. Et ce quel que soit notre âge : « l’avenir ne se perd pas avec le temps ». (42)
Le grand père que je suis s’émerveille des résonnances de la Promesse de l’enfant, comme un charme pour mon étape de la vie. A vivre au cœur de l’équilibre entre l’inévitable senteur du passé, l’expérience du présent et l’attente du futur.
Le chercheur de Dieu voudra en savoir plus sur les catastrophes, le déluge, les regrets de Dieu face à son œuvre de création, l’exil, la Croix, la terreur des violences modernes, la souffrance ou la résignation.
« En triomphant de l’espérance crucifiée des disciples, la foi en la résurrection agit dans le monde ancien comme une explosion du cœur et des sens ». (64)
Une présence, La présence, se lève peu à peu en notre esprit comme le soleil se lève à l’horizon, décidé et hésitant, frêle et puissant !
Mêlons notre voix à l’hymne à la bonté – toute simple- de Dieu.

« L’expérience de la délivrance du mal révèle la bonté créatrice de Dieu ». (71)
Pour l’ancien avocat, ancien président de l’ACAT (Action des Chrétiens pour l’Abolition de la Torture et du CCFD-Terre Solidaire (Comité Catholique contre la Faim et pour le Développement), Dieu est-il juste ? Oui…, puisqu’il crée la justice. Puisqu’il rétablit le Droit. Puisque le malade est guéri en touchant la frange du manteau de Jésus. Puisque les tricheurs sont rétablis dans leur capacité à vivre justement.
« Seul le Dieu qui souffre peut aider » écrit Bonhoeffer du fond de sa cellule.
Au cœur de nos inconsciences : « Veillez et Priez ! Vous dormez ? Levez–vous, allons ! »

Oui à la force vitale de l’Espérance.
Dieu marche devant son peuple. Devant moi, devant nous. Dieu promet le renouvellement de toutes choses, mais l’homme agit comme si tout devait rester comme autrefois. Bonjour tristesse !
« La respiration de mon âme, voilà ce qui soutient l’espoir de ma vie, d’une plénitude de vie ». (121)
Les pages qui affrontent les questions déroutantes de la vie après la mort, de la résurrection des corps, de la communion entre morts et vivants, de la vie après le deuil, me surprennent parfois. S’agit-il de questions essentielles sur lesquelles un partage est possible ? Moltmann s’y affronte avec justesse, avec l’accent de celui qui vit ou a vécu ces rendez-vous et non comme le théologien qui veut avoir raison sur d’autres théologiens. Son œuvre de théologien prend chair, et nous invite à faire de même et à partager nos « conclusions ».

Voici que je fais toutes choses nouvelles !
L’auteur parle du ciel et de la vie éternelle à laquelle nous sommes si souvent renvoyés lorsque vient la souffrance et l’absence de réponse.
Il récuse la coupure entre ces deux « moments » qui ne forment que la même éternité ou la même instantanéité.
La scène du « jugement dernier » lue dans la terreur se transforme peu à peu en une rencontre paisible dans une salle où des personnes se réunissent, invitées par un « juge de paix » soucieux de leur bien vivre plutôt de son bien-punir ! Cela parle à l’avocat. Cela étaie mes efforts pour parler de « la justice sur la terre comme au ciel » (éd. Salvator).

« Le royaume de Dieu est directement lié à la terre. Il vit avec la terre, et les êtres humains ne peuvent qu’aspirer au royaume de Dieu sur la terre. » (192) Quand la vie temporelle sera transformée en vivacité éternelle, elle ne disparaîtra pas.
Dieu, le créateur, reste fidèle au salut de sa création et n’abandonne pas l’ouvrage de ses mains.
Je reçois cinq sur cinq ce message moi qui ai toujours lu l’œuvre du « salut » non comme l’opération miraculeuse d’un hypothétique rachat mais comme l’affirmation de la présence du Père de tendresse qui ne nous laisse jamais seul et brise peu à peu- en fonction de notre docilité- toutes nos solitudes

Guy Aurenche, le 21 Avril 2017.