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Selon quel horizon vivons-nous ? Réduisons-nous plus ou moins notre vision à notre condition présente jusqu’à ce que nous passions à un autre état ? Ou nous sentons-nous en marche vers un univers nouveau où Dieu sera tout en tous ? En route dans le Royaume de Dieu, percevons-nous l’œuvre de l’Esprit en nous, autour de nous et dans le monde ? Comment faisons-nous la relation entre l’œuvre vivifiante de l’Esprit et notre présence dans le monde ? Vivons-nous plus ou moins sur la défensive dans un monde relativement clos ou, au contraire, avançons nous librement et avec empathie dans un espace ouvert en sachant que l’Esprit de Dieu nous conduit dans l’espérance ?

« Puisse le Dieu de l’Espérance vous remplir de toute joie et toute paix dans la foi, de telle manière que, par la puissance du Saint Esprit, vous puissiez abonder en espérance, écrit Paul aux Romains (Romains 15-13).
Jürgen Moltmann nous montre combien cet accent est original, unique parmi les différentes religions. « Nulle part ailleurs dans le monde des religions, Dieu est ainsi associé à un espoir humain pour l’avenir… Le futur est un élément essentiel de la foi, qui est spécifiquement chrétien. C’est la foi de Pâques.. La foi signifie vivre dans la présence de Christ ressuscité et nous mouvoir dans le Royaume de Dieu qui vient. Notre expérience de la vie quotidienne prend place dans une attente créative de Christ en train de venir. Nous attendons et nous avançons, nous espérons et nous endurons, nous prions et observons, nous sommes à la fois patient et curieux. » (p. 87-88).[1]
La vision chrétienne de l’espérance nous parle de Jésus-Christ et de l’avenir qu’il nous ouvre. A ce point, il est important d’avoir une juste représentation. « Si nous parlons uniquement de la « seconde venue » du Christ, le présent est vide et tout ce qui nous est laissé est d’attendre quelque jugement final… Mais si nous parlons de Christ qui vient, il est déjà dans le processus de venir, et, dans la puissance de l’espérance, nous nous ouvrons nous-même aujourd’hui avec tous nos sens aux expériences qui marquent sa venue » (p. 89).
Bien sûr, nous rencontrons aujourd’hui bien des oppositions. « Dans ces oppositions, ces souffrances, l’espérance va susciter une puissance de consolation et de résistance : « Celui qui tiendra jusqu’à la fin sera sauvé ». L’espérance nous encourage à ne pas capituler, à ne pas céder à la tristesse, mais à avancer et tenir bon.. » (p.90).  La Bible nous présente beaucoup de situations de ce genre.
Cependant, l’esprit de résistance est seulement un aspect. Nous ne pouvons pas toujours vivre dans la contradiction. En principe, rien de positif ne sort de la seule négation du négatif. « Le christianisme ascétique a désigné le monde comme mauvais et l’a quitté. L’humanité attend un christianisme révolutionnaire qui désignera le mal dans le monde pour le changer, a déclaré Walter Rauschenbusch ». Mais pour améliorer et changer le monde, « nous avons besoin de nous améliorer et de nous changer nous-même. Cela arrive quand nous regardons vers l’avenir dans la confiance en Dieu qui vient. Nous nous ouvrons nous-même à l’Esprit qui donne vie et expérimentons les forces guérissantes et libérantes de cet Esprit. Selon l’Epitre aux Hébreux, ces forces sont les « forces de l’âge à venir » (Héb. 6-5)… Dans la communion en Christ, nous ressentons des avant goûts et des anticipations du Royaume de Dieu qui vient. …L’espérance vit dans l’anticipation du positif et, en conséquence, suscite la négation du négatif. Les deux choses vont de pair » (p.91)
« Si dans le présent, nous pouvons expérimenter le Royaume de Dieu dans la guérison du psychisme, de l’âme et du corps, alors nous pouvons aussi faire quelque chose pour le Royaume de Dieu. Nous sommes co-ouvriers pour le Royaume. C’est notre mission…
Il y a, dans l’histoire, des situations qui sont en contradiction évidente avec le Royaume de Dieu et sa justice et nous avons à les combattre. Mais, il y a aussi des conditions qui sont en accord avec le royaume de Dieu et nous avons à les promouvoir, et, si nous le pouvons, à les faire advenir. Nous aurons ainsi des paraboles du royaume de Dieu en train de venir » (p.92). Nous pouvons connaître déjà ici et maintenant quelque chose de la guérison et de la nouvelle création de toutes choses que nous attendons dans l’avenir. Dans son royaume, Dieu commence à se manifester sur terre.
Jean Hassenforder
[1] Il faudrait souligner qu’en parlant de l’espoir spécifique au christianisme, la pensée de Moltmann présuppose une unité fondamentale entre l’Ancien et le Nouveau Testament. Il est difficile de surestimer l’apport de penseurs d’origine juive (Franz Rosenzweig, Ernst Bloch, Abraham Heschel) au développement de sa vision de l’espérance.
Source :
Jürgen Moltmann. In the end…the beginning. Fortress Press, 2004
Chapitre : The living power of hope. p. 87-95
Sous une forme plus académique, on trouvera l’approche de J. Moltmann dans une traduction française : La venue de Dieu (Cerf, 2000)