Nous sommes en marche et nous regardons en avant vers le Royaume de Dieu, le nouvel univers dans lequel « Dieu sera tout en tous ». Nous pouvons en voir les préfigurations. Cependant, nous sommes aussi confrontés à des maux personnels et à des malheurs collectifs. Souvent nous peinons et nous souffrons. Comment nous exprimer ? Paul, dans l’épître aux romains (8.22-23), évoque cette situation : « Or, nous savons que, jusqu’à ce jour, la création toute entière soupire et souffre les douleurs de l’enfantement. Et ce n’est pas elle seulement mais nous aussi qui avons les prémices de l’Esprit. Nous aussi, nous soupirons en nous même, en attendant l’adoption, la rédemption de notre corps ».

Aujourd’hui, nous voyons « l’attente de l’Esprit dans l’espérance et dans la plainte » (p. 109-113). Jürgen Moltmann sait nous montrer la puissance de l’expérience actuelle de l’Esprit dans le processus en cours de notre libération : « L’expérience actuelle de l’Esprit est le « commencement » et le « gage » du royaume de gloire qui vient. En elle, la création nouvelle de toutes choses est vécue dès maintenant par substitution et par anticipation pour tous. Les forces charismatiques de l’Esprit… sont les forces de l’âge à venir (Hé 6.5)….L’expérience actuelle de la vie est décrite comme l’expérience d’un commencement nouveau de la vie… » (p.109-110).

Cependant, nous voyons en même temps tout le négatif qui nous environne. Mais c’est aussi parce que nous savons que le mal est condamné et qu’il commence à reculer : « S’il n’existait pas de liberté ou si tout espoir de libération avait disparu en nous, nous nous habituerions aux chaînes.. » (p.110). « L’expérience réaliste du positif est faite dans la négation déterminée du négatif dont nous faisons l’expérience » (p.111). Dans l’épreuve, montent la prière, les soupirs, les plaintes et les cris vers Dieu. L’Esprit est là qui « vient en aide à notre faiblesse » et qui « intercède pour nous en gémissements ineffables » (Rm 8.26). Jürgen Moltmann nous apprend à reconnaître la démarche de l’Esprit dans notre imploration : « On peut dire que le cri qui implore le secours de l’Esprit est lui même déjà le cri de l’Esprit… Le cri vers Dieu est lui-même divin. Dans l’aspiration des hommes à Dieu se cache la puissance d’attraction de Dieu sur les hommes » (p.112).

Ainsi, dans un temps de passage, nous pouvons nous exprimer librement, en gardant, au delà de l’expérience immédiate du négatif, la conviction de l’espérance et l’attente de la libération.

J.H.

Source : Jürgen Moltmann. L’Esprit qui donne la vie. Cerf,1999

Commentaire

O Seigneur, qu’il est bon de savoir qu’à un moment, ma plainte, mon appel au secours s’inscrit dans le mouvement de l’Esprit, que je suis animé par toi dans cette expression. Je puis m’abandonner à toi et ressentir alors ta consolation et le bienfait qui en résulte. Et je sais aussi que tu n’es pas indifférent aux plaintes des hommes. Tu es avec eux même s’ils ne le savent pas encore. Et, par delà, je sais que tu es à l’œuvre et que tu nous ouvres un nouvel horizon. « La femme, lorsqu’elle enfante, éprouve de la tristesse… mais lorsqu’elle a donné le jour à l’enfant, elle ne se souvient plus de la souffrance, à cause de la joie qu’elle a de ce qu’un homme est né dans le monde ». (Jean 16.21)