Notre vie spirituelle, notre mode de relation avec Dieu, dépendent pour une part de nos représentations. Et évidemment, en premier lieu, de notre représentation de Dieu? Mais de bien d’autres représentations aussi : la manière dont nous percevons l’œuvre de Dieu, son projet pour l’humanité, notre vision de l’homme et de ceux qui nous entourent, notre conception de l’église, nos rapports avec la société, la nature, etc.. Si nos représentations sont incertaines, ou pires, empreintes de contradictions internes, si elles portent inquiétude et agressivité, alors notre vie spirituelle en souffrira.

Bien sûr, ces questions ne sont pas nouvelles. Et, par la grâce de Dieu, au long des années, la sagesse grandit lorsque la lecture biblique s’accomplit dans l’inspiration de l’Esprit et dans le partage avec d’autres chrétiens. Cependant, selon les milieux, selon les époques, des représentations collectives circulent. Elles viennent parfois d’un passé lointain et sont issues de la culture correspondante. Elles sont codées, reproduites, diffusées à travers des systèmes de pensée. Les historiens peuvent nous dire que certaines de ces croyances ont eu pour effet : la peur, la violence, la domination, et en retour, par opposition, des réactions parfois excessives jusqu’à l’incrédulité et à l’athéisme.

Histoire des idées et histoire des mentalités vont de pair. Aujourd’hui, une mutation culturelle caractérisée à la fois par sa rapidité et son intensité, suscite des questions nouvelles. Comment pouvons-nous trouver un fil conducteur nous permettant d’allier conviction et ouverture et d’inscrire notre méditation dans l’inspiration de l’Esprit ?
Bien sûr, de nombreux théologiens s’interrogent sur ces questions. Nous avons découvert en Jürgen Moltmann, reconnu comme un des plus grands théologiens de notre temps, une vision qui nous paraît particulièrement pertinente. En se référant à la parole de Jésus, on juge l’arbre à ses fruits. De la vision de Jürgen Moltmann, nous avons personnellement reçu une compréhension qui éclaire notre vie de foi, dans le contexte du monde d’aujourd’hui.

C’est une pensée qui nous inscrit dans la dynamique de l’œuvre de Dieu qui, dans le mouvement de la résurrection de Christ, nous entraîne vers une « seconde création », déjà en route, dans laquelle Dieu sera « tout en tous ». Cette théologie de l’espoir, fondé sur les promesses bibliques plutôt qu’une adhésion naïve à la foi dans le progrès, nous appelle à regarder en avant et envisage à la fois la dimension personnelle et la dimension collective. La théologie de Moltmann est reçue à la fois dans le contexte de la théologie de la libération en Amérique latine et dans celui de l’église pentecôtiste de Yonggi Cho en Corée.

Tout se tient. Il y a là une dimension globale, « holiste » qui nous permet d’entrevoir l’œuvre de Dieu dans un univers en transformation et rejoint l’éveil écologique.
Si la théologie est une réflexion sur Dieu, la pensée de Moltmann nous apporte des clés pour répondre à notre question : qui est Dieu ? et elle nous élève, en Christ, à la dimension de la vie éternelle. Elle nous parle d’un Dieu qui n’est pas un potentat, mais qui, dans sa dimension trinitaire, est communion d’amour. C’est une vision qui, dans cet amour, proclame la puissance de Dieu, à travers son œuvre de réconciliation et de guérison intérieure pour tous les hommes.
Voilà aussi une vision unifiante qui rejoint la conception de la spiritualité comme une « conscience relationnelle » avec Dieu, la nature, les autres êtres humains et notre être intérieur. Moltmann nous apprend à discerner l’œuvre de « l’Esprit qui donne la vie ».

Au moment ou un mouvement d’unification parcourt le monde, où on sort de plus en plus des espaces clos et des enfermements , la pensée de Moltmann relie et donne du sens, sans pour autant faire l’amalgame entre les processus historiques et la volonté de Dieu. Elle ouvre notre regard.
Toutes ces perspectives, et il y en a beaucoup d’autres, éclairent nos questionnements avec une singulière pertinence dans la conjoncture culturelle du monde d’aujourd’hui.

La vie et l’œuvre de Moltmann, telle qu’il nous la décrit dans sa récente autobiographie (« A broad place »), s’inscrit effectivement dans les transformations politiques, sociales, culturelles, intellectuelles qui ont caractérisé les dernières décennies. En homme libre par rapport aux appareils ecclésiastiques, Jürgen Moltmann est à même de sortir des figures imposées et des formes traditionnelles dans une pensée innovante enracinée dans des données bibliques revisitées, inspirée par une conviction de foi dans la conscience de la présence et de l’œuvre divine, informée par la compréhension des enjeux de la culture contemporaine. C’est dire que la pensée de Jürgen Moltmann est en « conversation », pour reprendre un de ses termes familiers, avec les chrétiens en mouvement et en recherche comme avec tous ceux qui sont aujourd’hui en quête de sens.

Pourquoi ce blog ? Ce blog est inspiré par l’apport de Jürgen Moltmann. Parce que nous avons reçu de lui une inspiration ancrée dans l’expérience vécue qui va au delà de la compréhension intellectuelle, parce qu’elle nourrit en profondeur notre vie spirituelle, notre vie avec le Dieu trinitaire, communion d’amour. Sans vouloir exclure les questionnements théologiques autour de sa pensée, nous n’envisageons pas ce blog comme un lieu de controverses. Bien entendu, comme toute autre théologie, celle de Moltmann n’échappe pas à une réflexion critique. Mais, à partir du moment où elle nous paraît globalement reposer sur des bases solides et pouvoir éclairer positivement nos représentations, nous voulons simplement mettre en valeur les apports de cette pensée pour nourrir notre vie spirituelle. Nous en présenterons différents aspects pour alimenter méditation et réflexion dans lesquelles nous voulons nous laisser conduire par l’Esprit. Nous partagerons nos impressions pour nous éclairer mutuellement.
Ce blog pourra également devenir un carrefour en vue de faciliter l’accès à l’œuvre de Jürgen Moltmann : ses publications, les commentaires, mises en perspective, débats à leur sujet, agenda des évènements concernant ses activités. On pourra également envisager des temps de conversation. Par ailleurs, nous pourrons de temps à autre publier des témoignages s’inscrivant dans la « famille spirituelle » que nous formons ainsi. Merci de nous dire vos observations et vos suggestions.

Jean Hassenforder – 2011